Une artiste qui prend soin de vous

Bertrand Naivin, le 25/11/2020  Critique d'art

      Il y a du soleil dans l'œuvre de Krees. Normal pour cette artiste qui vit et travaille près de Bordeaux et aime absorber les énergies qui l'environnent. Celles de la rue. Celles de ses contemporains. Et si Picasso, Miro et Kandinsky ont pu nourrir son travail, c'est également chez les artistes de son temps comme dans les autres disciplines artistiques qu'elle puise l'envie de peindre.

Une peinture qui commence toujours par le dessin. Elle qui se dit avoir longtemps été « handicapée de la couleur » a en effet commencé par réaliser à l'encre et à la mine graphite des dessins en noir et blanc. Sans idée préconçue, s'abandonnant à l'instinct, elle s'est alors mise à décliner une sorte de bestiaire fantastique qui peu à peu se laissa gagner par la couleur. D'abord le orange, puis le vert et le bleu, c'est à présent une myriade de teintes qui envahissent ses toiles.

Encore aujourd'hui, elle affirme dessiner « avant tout » avant que la couleur vienne « sublimer tout ça ». Chaque tableau est ainsi précédé d'une multitude de dessins dans lesquels elle laisse dériver son esprit dans une sorte d'état hypnotique qu'elle compare à celui d'un sportif ou d'un danseur, et en prenant soin de « se contrarier » pour ne jamais entrer dans le confort stérile de vieilles recettes plastiques.

Pour Krees, au contraire, dessiner devient une performance au cours de laquelle elle dit « se décaler » de sa part consciente pour trouver une harmonie toujours nouvelle et rafraîchissante. C'est donc dans un lâcher-prise sincère que naissent personnages et motifs qu'elle inonde ensuite de couleurs qui se mettent à habiter la composition d'une bonhommie rayonnante, afin d'apporter réconfort et soutien à celui qui la regarde. Car l'artiste ne voit pas la peinture comme seulement visuelle. Chaque œuvre est pour elle comme possédée d'une énergie qu'elle veut bienveillante pour le regardeur. Loin de n'être que des objets de décoration, elle considère ses tableaux comme détenteurs d'une force protectrice, capables de veiller sur leur public.

 

Cette dimension totémique et médiumnique, cette considération de l'oeuvre comme vectrice d'énergie et de messages bienveillants se retrouve dans une esthétique qui n'est pas sans rappeler l'art précolombien. Une référence qui, même si Krees ne la renie pas, n'est pourtant pas voulue, ou tout du moins consciente chez elle. C'est en effet après coup, et après avoir entendu de nombreuses personnes l'interrogeant sur cette influence qu'elle réalisa cette filiation. Un héritage d'autant plus déroutant qu'elle dit avoir toujours été attirée par la figure du Lynx qui dans la culture amérindienne incarne le passage vers l'au-delà. Est-ce à dire qu'elle fut visitée par des esprits d'un autre temps ? Toujours est-il que cette dimension spirituelle et mystique est très présente dans son œuvre. En témoignent ses revisitations de mythes et de légendes qui sont pour elle autant de moyens de parler de notre monde et du caractère intemporel et universel des maux qui l'agitent. C'est ainsi qu'une œuvre comme le Géant interroge, par l'évocation du récit du voyage de Gulliver à Lilliput par Jonathan Swift la manière dont la société traite celui qui est différent. Les contes et mythes d'hier nous ramènent ainsi à des problèmes bien actuels.

 Chaque œuvre est pour elle comme possédée d'une énergie qu'elle veut bienveillante pour le regardeur. Loin de n'être que des objets de décoration, elle considère ses tableaux comme détenteurs d'une force protectrice, capables de veiller sur leur public.

C'est donc tout naturellement que Krees eut l'idée en mars 2020, soit dès le début du confinement auquel fut astreinte la population française pour enrayer la progression du Covid-19, de peindre sur un masque en tissu - de ceux qui deviendront par la suite obligatoires dans les lieux publics - une créature à la crinière bleue, à la face jaune et aux membres rouges. L'accompagnant du slogan « Prenez soin de vous », ce Zaz le protecteur pourrait alors bien incarner la philosophie de cette artiste résolument humaine. Un pied de nez à un siècle décidément bien morose et l'envie de veiller sur l'autre dans la joie et la couleur.

Cette couleur qui dans Zenus révèle alors toute sa force libératrice et ses vertus bienfaitrices. Elle s'y incarne en effet sous les traits d'une double figure qui, toute en rondeurs et en quiétude se joue et déborde d'une structure géométrique comme des limites que nous imposent trop souvent la raison et le raisonnable. Krees préfère quant à elle la fantaisie colorée et bienveillante de l'imaginaire et nous invite, comme dans Nihon Sahu à « être heureux » et à briser nos prisons intérieures. Comment ? En nous prenant moins au sérieux et en nous laissant gagner par les forces positives qui sont là autour de chacun de nous. Une ouverture que l'artiste bordelaise voit comme une source intarissable de calme et de liberté et dont ses œuvres sont autant d'ambassadrices bienheureuses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      ci dessous  KREES  photo au salon Artatlantic

                                 à  La  Rochelle

       Performance sur mur à l'intérieur du salon 

 

 

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